Dès le début de notre adolescence (génération 89), deux joueurs de basket faisaient déjà énormément parler d’eux… On les connaît bien : Edwin Jackson et Antoine Diot.
Ces deux-là sont font aujourd’hui parti des meilleurs joueurs du championnat Espagnol.
Mon petit weekend à Madrid m’a ainsi permis de retrouver Edwin, joueur de l’Estudiantes Madrid et actuel meilleur marqueur du championnat Espagnol, pour lui poser quelques questions.
On a parlé de basket, forcément, mais aussi de sommeil, de nutrition, de philosophie de vie… Un tas de choses super intéressantes que je tenais à vous partager 🙂
Moi : Pour nous mettre dans le contexte, pourrais-tu nous décrire ce qu’est une semaine « type » pour toi ?
Edwin : Alors déjà ici on joue les dimanches, à 12h15. Puis le lundi soir, on fait une séance « décrassage » qui est personnalisée, suivant le temps de jeu qu’on a eu la veille, notre âge, nos antécédents de blessures…
Mardi matin on a musculation. Pas de la « muscu » à proprement parlé, c’est + du renforcement musculaire, du travail en excentrique pour prévenir les tendinites par exemple. Puis on s’entraîne le soir. Le mardi est le seul jour où on s’entraîne deux fois.
Mercredi matin c’est repos mais moi je vais généralement à la salle pour shooter.
Mercredi soir, on fait beaucoup de jeu…
Jeudi = day off, c’est un jour réservé pour les soins.
On a un coach qui fait des entrainements très intenses, pour nous mettre en condition de match. C’est bien, c’est ce qui me manquait un peu l’année dernière. Cette année après un entrainement on a l’impression d’avoir fait un match !
Puis vendredi matin et samedi matin entrainement…
Moi : Ok, ça fait quand même pas mal de temps libre ! Comment est-ce que tu occupes ton temps libre justement ?
Edwin : Ah mais ce que je t’ai décrit c’est le programme de l’équipe. Moi je m’entraîne deux fois par jours, tous les jours. Je fais de la muscu tous les jours… Encore une fois je dis « muscu » mais c’est + du renforcement musculaire à base gainage. Je fais des exercices de rotation pour les épaules, des petits exercices de yoga, de la relaxation… Je ne soulève pas des poids tous les jours !
Il faut que mon corps soit « tip-top » car c’est mon outil de travail. Je fais même des exercices pour mes doigts… Car tu peux être super fort techniquement, mais le jour ou ton corps te dit stop c’est mort !
M : Est-ce que ça marche alors ?
E : Pour l’instant oui ! (Il touche du bois^^). En 10 ans de carrière j’ai dû rater 5 matchs. Je m’étais fait une entorse en retombant sur un pied, un truc que tu ne peux pas contrôler…
M : Et tu es suivi par un préparateur physique en permanence ?
E : Au début, j’étais beaucoup suivi et j’ai appris plein de choses grâce aux préparateurs physiques. Parfois j’ai encore besoin de conseils évidemment, mais je connais aujourd’hui bien mieux mon corps et je sais ce dont il a besoin. On est tous différent, Antoine (Diot) par exemple va + axer son travail sur son dos. Il faut faire ce qui te correspond vraiment.
M : L’idée est donc d’expérimenter plusieurs « méthodes d’entrainement/renforcement » et de tirer de ces expériences ce qui te correspond, pour ensuite cibler ton travail en fonction de ce que ton corps/esprit a besoin ?
E : Exactement, je pense que c’est la clef. Si tu te blesses, on ne te laisse jamais le temps de te rétablir à 100% ! Car t’es engagé et il y a une pression financière, on te paye pour jouer. Donc à haut niveau, on va te donner des anti-inflammatoires et tu vas rejouer le plus vite possible. Donc ton corps compense, il tire sur autre chose et puis ça créer d’autres problèmes. Une fois que tu commences à te blesser et que tu joues à haut niveau c’est très dur à gérer… Il faudrait couper et prendre le temps de se soigner mais pour toute les raisons que je viens de te dire, ça se passe rarement comme ça. La meilleure chose à faire est donc de faire en sorte de ne pas se blesser!
M : Quel conseil donnerais-tu à un adolescent qui est en centre de formation et qui essaye de devenir pro ?
E : Ne pas penser que parce que ton corps est à 100% en ce moment, il le restera. Il faut faire de la prévention. Comme avec une voiture. Si t’achètes une voiture neuve et que tu attends trop pour aller chez le garagiste pour la faire réviser, que tu te dit« ok elle est neuve, ça peut attendre ». Alors oui elle va rouler, parce qu’elle est neuve. Mais le jour où tu vas chez le garagiste pour une panne, après avoir laissé passer 2 ou 3 révisions, il va te dire : « Attendez mais là il faut aussi change « ça, ça et ça ». Votre moteur est tout abîmé ! Pourquoi n’êtes-vous pas venu avant pour faire les révisions ? »
Le conseil est donc de ne pas attendre que ton corps te fasse mal pour t’en occuper.
Moi j’ai commencé à mettre de la glace sur mes genoux à 20 ans. Les gars de mon équipe se demandaient pourquoi je faisais ça car effectivement je n’avais pas mal. Mais bien sûr que même si tu n’as pas mal, tes articulations elles s’enflamment, si tu fais beaucoup de sport. (Glace = anti-inflammatoire naturel). Si tu le fais jeune, c’est à 30 ans que tu seras content et ta carrière sera + longue.
Idem avec la proprioception. Je ne fais pas ça parce que j’ai eu beaucoup d’entorses. Au contraire, je fais ça pour ne pas avoir d’entorses !
C’est super dur à intégrer quand t’es jeune et fougueux, t’as pas envie. Moi j’étais pareil. C’est mon père qui me disait de m’étirer quand je rentrais à la maison. Du coup j’ai pris cette habitude.
M : Qu’est-ce que tu fais durant la première heure de la journée après le réveil, quelles sont tes habitudes justement ?
E : En général je prends un « protein shake ». Puis ça dépend, parfois un yaourt. J’essaye de prendre le moins de sucre possible. Je rajoute souvent des amandes et un peu de miel pour donner du gout au yaourt. Je mange très peu de pain/beurre et de choses comme ça. Pareil pendant les repas. Je pousse un peu la chose à l’extrême, parfois ce que je mange n’a pas trop de gout car je mets très peu de matière grasse. Exemple : Blanc de dinde sans sauce, riz et brocolis à la vapeur. Parfois des féculents mais seulement le midi. Peu de viandes rouge, sauf exception, si je vais au restaurant par exemple. Je bois beaucoup d’eau, ça fait une énorme différence…les gens ne se rendent pas compte de l’importance de l’eau !
M : Quels sont tes horaires de sommeil type et comment gère-tu ton sommeil?
E : Je pense que + tu te couches tôt, moins tu as besoin de sommeil. Par exemple, si je me couche à 22h et que je me lève à 6h, je suis beaucoup + en forme que si je me couche à 00h et me lève à 8h. Même si je me couche à 1h et que je me lève le lendemain à midi, je serai quand même fatigué, j’aurai beaucoup moins d’énergie. Je crois que les heures de sommeil avant minuit te permettent de mieux récupérer.
M : Quand est-ce que tu as compris l’importance de ces bonnes habitudes ?
E: Pour moi ça a été facile à comprendre car je faisais ce que faisais mon père. Ce qu’il avait dans son assiette, je voulais la même chose. Et il jouait d’ailleurs encore en N2 à 44 ans.
M : A partir de quel âge tu t’es dit que tu voulais être basketteur pro ?
E : J’ai toujours voulu. Mais comme je te disais pour moi c’était assez normal et imaginable car mon père était lui-même professionnel. J’en parlais avec Antoine (Diot) et pour lui c’était différent car il n’avait pas d’exemple direct dans sa famille, ça lui paraissait plus loin… Et quand je suis rentré à l’Insep, que j’ai vu tous les joueurs qui étaient passé par là, je me suis dit que c’était vraiment possible.
M : Tu es d’ailleurs assez proche de Tony Parker, tu en parle souvent comme d’un mentor. Quelle est LA leçon que tu as retenu grâce à lui/à force de le côtoyer ?
E : Que ce soit dans la vie ou dans le sport, il faut se concentrer sur ce que tu peux contrôler. Tu ne peux pas contrôler si un coach va te faire jouer. Par contre tu peux aller t’entrainer tous les jours. Ce que les autres pensent, ce que les médias racontent, tu ne peux pas le contrôler. Si tu t’occupes de ça tu perds ton énergie.
M : En imaginant que tu ais un fils, quel est LE conseil que tu lui donnerais, si tu devais mourir demain ?
(C’est incroyable cette question ! rires)
E : Je lui dirais de faire ce qui le rend heureux dans la vie, de faire se propres choix. Plein de gens me disent que si j’ai un fils, je voudrai qu’il joue au basket… Mais non, moi je m’en fou. S’il me dit qu’il veut vivre à Bangkok sur une barque et pêcher c’est OK. Si c’est ce qui le rend heureux, moi ça me va très bien. Les gens voient la réussite comme le fait d’avoir une grande maison et une belle voiture, mais non. S’il est heureux à vivre de pêche c’est parfait !
…
Merci à Edwin pour sa disponibilité et sa gentillesse!
Entretien réalisé à Madrid le 13 mars 2017.
Retrouvez d’autres conseils santé et interviews, sur mon compte Instagram 🙂
A +
Etienne